Le caractère acariâtre peut aussi constituer une faute

Le caractère acariâtre peut aussi constituer une faute

Publié le : 19/04/2012 19 avril avr. 04 2012

Une épouse peut être reconnue fautive pour avoir eu « une attitude particulièrement humiliante et méprisante à l’égard de son mari, en raison du niveau d’étude inférieur de celui-ci », avoir « contribué au repli de la famille sur elle-même », etc.

A force de lire des jurisprudences dans lesquelles des faits « spectaculaires », type abandon de domicile, adultère, violence (le plus souvent commis par des hommes, il faut bien le dire) constituent la faute, on en oublierait presque l’évidence : un caractère infect peut aussi en constituer une ! Et peut être l’apanage d’une femme aussi souvent que d’un homme – qui a dit « plus souvent » ?!

Ce type de faits sera plus difficile à prouver, parce que son effet nocif résulte davantage d’une accumulation pernicieuse, que d’un fait facilement identifiable. Mais dans la réalité des couples en difficulté, il n’est pas moins fréquent, pas moins redoutable. C’est pourquoi la décision dont il est ici question (Cour d’appel d’Aix en Provence du 16 novembre 2010, confirmé sur ce point par Civ. 1, 1er février 2012, n° 11-14822) est intéressante.

Elle relève donc le fait que l’épouse « a eu une attitude particulièrement humiliante et méprisante à l’égard de son mari, en raison du niveau d’étude inférieur de celui-ci ». En soi, ce n’est sans doute pas extrêmement fréquent, mais on peut étendre cela à toutes les sortes d’humiliations grinçantes qui sont le lot de tant d’unions en perdition.

La Cour relève par ailleurs que l’épouse « a contribué au repli de la famille sur elle-même, ne laissant entrer aucun étranger dans le foyer et refusant aux enfants les contacts avec leurs grands-parents ». Ce dernier élément, le conflit avec les grands-parents, est particulièrement fréquent. On y trouvera notamment la guerre avec « la belle-mère », vieille comme le monde. Mais pas que. Ici, l’épouse fermait la porte aux grands-parents… maternels. Ses propres parents. Trop envahissants à son goût (il faut dire que cela arrive).

Enfin, cerise sur le gâteau pourrait-on dire, la Cour ajoute que l’épouse « a refusé toute relation sexuelle avec son époux ». Loin de moi l’idée d’en faire une fixation, après un post du 23 décembre 2011 qui s’y rapportait déjà ! Mais passé le sourire, il convient de constater que ce fait est, là encore, dans la réalité des désunions, tout sauf anecdotique, tout sauf rare. Bien sûr, il faut raffiner l’analyse, et de ne pas laisser accroire qu’une fois la dispute installée, la corvée doive être poursuivie à tout prix… Ici, l’époux avait démontré qu’il n’avait pas droit à cet agrément dès « après la naissance du dernier enfant », et qu’il dormait « sur le canapé du salon » depuis 2003. Dure condition, tout de même.

Un dernier détail : l’épouse « régissait » le salaire de son conjoint « de façon drastique », « privilégiait l’épargne sur l’existence », et les enfants faisaient apparemment leurs devoirs « en s’éclairant à la lampe à pétrole ». Un vrai bonheur, en somme.

Chacun de ces faits pris isolément n’aurait pas nécessairement été apte à constituer une faute. C’est sans doute leur accumulation qui a conduit ici la juridiction à déclarer l’épouse fautive. C’est la différence qui subsiste avec une faute de type « spectaculaire », où un seul fait peut suffire. C’est pourquoi ce dernier type de faute restera plus fréquemment consacré sur le plan judiciaire.

D’ailleurs, la vérité impose de préciser qu’en l’espèce, l’époux s’était, de son côté, livre à de « bonnes vieilles » fautes bien incontestables : il a rapidement eu une « concubine », est parti plusieurs fois pour une longue période, et vidait à cette occasion le compte joint…

Au terme de ce véritable concours d’amabilités entre les époux, la juridiction a fait une application classique de l’article 245 du code civil permettant de prononcer le divorce aux torts partagés. C’est souvent le cas, même si cela suppose que les fautes soient à peu près concomitantes, sinon les premières chronologiquement auraient tendance à effacer les suivantes.

L’épouse contestait simplement, devant la Cour de cassation, sa part de responsabilités, et souhaitait voir les torts prononcés exclusivement à la charge de son conjoint. Le juge a préféré prononcer le match nul. On le comprend.

Echelle de ludique (1) à technique (5) : 3

Historique

  • Et si notre enfant fait Harvard, qui va payer, papa ou maman ?
    Publié le : 15/05/2012 15 mai mai 05 2012
    Droit de la famille
    Et si notre enfant fait Harvard, qui va payer, papa ou maman ?
    Illustration d’un problème qui concerne de nombreux parents séparés (même si ce n’est pas souvent pour ce genre d’établissement) : le paiement des frais de scolarité. A priori, la question avait été réglée, un jugement ayant été rendu par le Juge aux affaires familiales, qui précisait explicit...
  • Connaissez-vous vraiment votre conjoint ?
    Publié le : 19/04/2012 19 avril avr. 04 2012
    Droit de la famille
    Connaissez-vous vraiment votre conjoint ?
    Un époux peut obtenir annulation du mariage s’il découvre que son épouse est escort-girl… Encore une espèce croustillante (comme dans mon post du 23 décembre 2011), d’une faible utilité, puisqu’elle ne devrait tout de même pas s’appliquer à grand-monde, mais qui peut être signalée, juste « pou...
  • Le caractère acariâtre peut aussi constituer une faute
    Publié le : 19/04/2012 19 avril avr. 04 2012
    Droit de la famille
    Le caractère acariâtre peut aussi constituer une faute
    Une épouse peut être reconnue fautive pour avoir eu « une attitude particulièrement humiliante et méprisante à l’égard de son mari, en raison du niveau d’étude inférieur de celui-ci », avoir « contribué au repli de la famille sur elle-même », etc. A force de lire des jurisprudences dans lesque...
  • Faut-il être transparent sur ses finances dans une procédure en divorce ?
    Publié le : 19/04/2012 19 avril avr. 04 2012
    Droit de la famille
    Faut-il être transparent sur ses finances dans une procédure en divorce ?
    On ne risque pas le pénal si on se fait prendre. Mais on risque de perdre au civil si on ne joue pas le jeu… D’abord, dédramatisons le débat. Une déclaration sur l’honneur mensongère n’est pas pénalement réprimée. C’est ce qu’indique la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt...
  • Du devoir conjugal
    Publié le : 23/12/2011 23 décembre déc. 12 2011
    Droit de la famille
    Du devoir conjugal
    Dans le cadre d’une procédure de divorce dit contentieux, un époux peut obtenir de son conjoint réparation de son préjudice d’abstinence contrainte ! Ni trop, ni trop peu. La jurisprudence vient périodiquement rappeler, dans des rédactions savoureuses, les frontières du devoir conjugal. Dans u...
  • Le raisonnement sur la pension alimentaire est une photo, celui sur la prestation compensatoire est un film
    Publié le : 25/10/2011 25 octobre oct. 10 2011
    Droit de la famille
    Le raisonnement sur la pension alimentaire est une photo, celui sur la prestation compensatoire est un film
    Quatre ans de mariage suffisent rarement à fonder une prestation compensatoire Voici un exemple illustrant la différence entre pension alimentaire, et prestation compensatoire. Certes, comme la pension, la prestation dépend des revenus disponibles au moment où la question se pose. Mais pas...
  • Avec les jugements correctionnels non plus, la jurisprudence ne plaisante plus en matière de motivation
    Publié le : 28/02/2011 28 février févr. 02 2011
    Droit pénal
    Avec les jugements correctionnels non plus, la jurisprudence ne plaisante plus en matière de motivation
    Dans un message du 27 décembre, je faisais état d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme relatif aux jugements criminels. La Cour d’assises, c’est par nature très important, mais pas d’application quotidienne. Le contentieux correctionnel, en revanche, est quantitativement bien...
  • Disparité de niveaux de vie préexistant au mariage : ce n’est pas une raison pour refuser une prestation compensatoire !
    Publié le : 25/02/2011 25 février févr. 02 2011
    Droit de la famille
    Disparité de niveaux de vie préexistant au mariage
    Dans un arrêt de 2009, la Cour d’appel de Lyon avait refusé d’accorder une prestation compensatoire à l’épouse au motif qu’une différence nette de rémunération entre les époux préexistait au mariage. Elle avait pourtant pris soin d’adopter une motivation très fournie, en indiquant que la prest...
  • Le juge prend en compte les allocations familiales dans le calcul de la pension alimentaire
    Publié le : 27/01/2011 27 janvier janv. 01 2011
    Droit de la famille
    Le juge prend en compte les allocations familiales dans le calcul de la pension alimentaire
    Alors que dans la fixation de la prestation compensatoire, la Cour de cassation interdit au juge de prendre en compte les allocations familiales, elle l’y autorise s’agissant du calcul de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants, que l’on désigné plus fréquemment sous le terme plu...
<< < ... 7 8 9 10 11 12 13 > >>