« Arrêtez de nous saoûler avec la Table de référence pour la fixation des pensions alimentaires ! »

« Arrêtez de nous saoûler avec la Table de référence pour la fixation des pensions alimentaires ! »

Publié le : 15/12/2013 15 décembre déc. 12 2013

Ce cri du coeur, entendu dans les couloirs du Palais (authentique, je ne dirai pas de qui il vient), tout juge a eu envie de le dire au moins une fois à un avocat, et tout avocat à son client. La Cour de cassation vient de s’en charger (Civ 1, 23 oct 2013, n° 12-25301).

 

Le message est adressé par la Cour de cassation aux juge des tribunaux et cours d’appels, mais aussi, indirectement à tout le monde : oui, la Table de référence publiée par le Ministère de la Justice pour la 1ère fois en 2010 (et réactualisée périodiquement depuis) est un outil intéressant aux mains des parents pour pouvoir se situer – sous entendu : pour qu’ils passent plus facilement des accords entre eux et donnent ainsi moins de travail au juge. Mais non, ils ne doivent pas pour autant (et surtout le juge ne doit pas lorsqu’il est saisi) se borner à l’appliquer aveuglément – sous-entendu stupidement. Sinon, à la place de gens qui ont fait 8 ans d’étude pour être magistrats, on mettrait des machines.

Il est d’autant plus facile de se rendre compte, dès le 1er abord, de l’absence de prétention exhaustive de cette table, qu’elle ne possède que trois variables : les revenus du « débiteur » de la pension, le nombre d’enfants, l’étendue du droit de visite et d’hébergement. Et que manque donc cruellement, au moins une quatrième variable qui semble essentielle : les revenus du « créancier » (celui qui a les enfants à titre habituel, sauf résidence alternée…). Comment peut-on ne pas être frappé par cet aspect ? On comprend bien qu’un père qui gagne 1.500 € par mois ne doit pas régler la même chose à la mère qui a les enfants à titre habituel, selon que celle-ci ne perçoit que le RSA, ou qu’elle est assise sur un patrimoine immobilier produisant 30.000 € de revenus locatifs par mois, tout de même !

Ajoutons que cette Table ne raisonne, et n’est en tout cas comprise par ses utilisateurs, qu’en termes de revenus « tout court », alors qu’il faudrait le faire aussi en termes de charges, et donc de revenus seulement « disponibles » (revenus – charges). D’ailleurs, l’exposé des charges dans ce type de litige constitue souvent le plus gros du travail; et pour cause, généralement, l’examen du revenu est vite vu, en tout cas s’agissant des salariés, puisqu’il suffit de lire une ligne de bulletin de paie ou d’avis d’imposition, alors que celui des charges implique de dresser une liste plus ou moins longue.

Plusieurs autres remarques pourraient être formulées pour montrer à quel point d’autres raffinements doivent être appliqués.

Par exemple, dans l’espèce saisie par la Cour de cassation pour effectuer son rappel à l’ordre, il est intéressant de constater que chacun des parents avait refait sa vie, mais pas pour se plonger dans les mêmes conditions : la nouvelle compagne du père était au chômage, alors que le nouveau compagnon de la mère avait un emploi. Par ailleurs, il y avait des enfants de « second lit »… Autant d’autres paramètres à prendre en compte.

Echelle de ludique (1) à technique (5) : 3

Historique

  • Le principe d'égalité comme dernier rempart à la répudiation en France
    Publié le : 10/01/2014 10 janvier janv. 01 2014
    Droit de la famille
    Le principe d'égalité comme dernier rempart à la répudiation en France
    La course au divorce dans les couples maghrébins venus vivre en France relève parfois de la fable du lièvre et de la tortue que connaissent bien les praticiens en droit de la famille : l'époux se hâte d'obtenir rapidement un divorce par répudiation au pays, mais l'épouse y met échec en obtenant l...
  • « Arrêtez de nous saoûler avec la Table de référence pour la fixation des pensions alimentaires ! »
    Publié le : 15/12/2013 15 décembre déc. 12 2013
    Droit de la famille
    « Arrêtez de nous saoûler avec la Table de référence pour la fixation des pensions alimentaires ! »
    Ce cri du coeur, entendu dans les couloirs du Palais (authentique, je ne dirai pas de qui il vient), tout juge a eu envie de le dire au moins une fois à un avocat, et tout avocat à son client. La Cour de cassation vient de s’en charger (Civ 1, 23 oct 2013, n° 12-25301).   Le message est a...
  • De l’articulation entre les différents types de divorce contentieux
    Publié le : 01/11/2013 01 novembre nov. 11 2013
    Droit de la famille
    De l’articulation entre les différents types de divorce contentieux
    La Cour de cassation atténue la pression sur le choix initial du fondement de la demande en divorce. C’est une gymnastique typique de procédurier, et on comprend mieux pourquoi l’avocat est obligatoire dans la seconde phase du divorce contentieux. On rappelle que lorsqu’on introduit cette...
  • Du risque de « trop bien » négocier en CRPC avec le Procureur
    Publié le : 21/10/2013 21 octobre oct. 10 2013
    Droit pénal
    Du risque de « trop bien » négocier en CRPC avec le Procureur
    Quand le juge homologateur rappelle qu’il n’est pas une caisse enregistreuse. On le sait, la CRPC comporte deux phases, qui rythment la demi-journée consacrée à cette procédure (ou journée, selon le tribunal concerné). Par exemple, à Bobigny, en première partie de matinée, c’est le moment...
  • Agent de sécurité en aéroport, une profession exposée au risque
    Publié le : 22/05/2013 22 mai mai 05 2013
    Droit pénal
    Agent de sécurité en aéroport, une profession exposée au risque
    Attention aux objets de valeur « oubliés » par les voyageurs : cela peut se retourner contre les agents de sécurité, et il faut parfois analyser méticuleusement les photos pour se sortir de ce traquenard. Vous connaissez tous le portique de sécurité aux aéroports, où on vous force de plus en p...
  • « l’ADN, signature du crime »
    Publié le : 16/03/2013 16 mars mars 03 2013
    Droit pénal
    « l’ADN, signature du crime »
     A propos d’une affaire de viol collectif mal élucidée Cette affaire aura été marquée par une fin d’audience conflictuelle. En effet, l’accusation n’avait visiblement pas apprécié que la défense pose beaucoup de questions à la victime. Pourtant, ce faisant, elle n’avait fait que combler les...
  • Pour le meilleur et pour le vraiment pire
    Publié le : 15/02/2013 15 février févr. 02 2013
    Droit de la famille
    Pour le meilleur et pour le vraiment pire
    Cette fois-ci, la justice a accepté d'annuler le mariage, mais il faut dire que l'épouse avait mis le paquet. Faut-il aller jusqu'au meurtre pour que les enfants du père décédé parviennent à faire annuler le mariage (hors hypothèse d'accès à la nationalité, que le procureur poursuit beaucoup p...
  • Des faibles conséquences d'une faute dans le mariage
    Publié le : 10/02/2013 10 février févr. 02 2013
    Droit de la famille
    Des faibles conséquences d'une faute dans le mariage
    En France, mieux vaut faire n'importe quoi que d'être riche. Mon titre est un résumé très succint, voire caricatural, de la situation, mais celle-ci l'était déjà elle-même, alors ne nous gênons pas : une épouse avait quitté le domicile conjugal pour aller vivre avec son amant, laissant deux je...
  • De l'harmonisation fiscale spontanée entre les grands clubs
    Publié le : 30/01/2013 30 janvier janv. 01 2013
    Droit pénal
    De l'harmonisation fiscale spontanée entre les grands clubs
    Plongée dans le méga dossiers des transferts frauduleux au PSG époque Canal + Les clubs français se sont souvent plaints de subir une fiscalité plus forte que leurs concurrents espagnols, britanniques, allemands et autres, raison pour laquelle, à n'en pas douter, la France se retrouve avec le...
<< < ... 7 8 9 10 11 12 13 > >>