De l'harmonisation fiscale spontanée entre les grands clubs
Publié le :
30/01/2013
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01
2013
Plongée dans le méga dossiers des transferts frauduleux au PSG époque Canal +
Les clubs français se sont souvent plaints de subir une fiscalité plus forte que leurs concurrents espagnols, britanniques, allemands et autres, raison pour laquelle, à n'en pas douter, la France se retrouve avec le même palmarès que la Roumanie en C1, alors que, si elle avait des impôts plus léger, elle collectionnerait autant de trophées que le Real Madrid, c'est évident.
Fort de cette idée incontestable, les "grands" clubs français, qui ont toujours un coup d'avance, se sont permis de devancer le législateur en procédant d'eux mêmes à un allègement de leurs charges. L'idée est la suivante : lors du transfert, on annonce au joueur que le salaire auquel il aspire va être payé, partiellement par le canal "vulgaire" d'une fiche de paie, partiellement par d'autres plus inhabituels, à savoir, d'une part des droits à l'image surévalués distribués par un équipementier célèbre (avec un logo en virgule), d'autre part le reversement via un compte offshore de la surcommission qui aura été payée à l'agent du joueur. Tout le monde est content, puisque le joueur paiera moins d'impôt sur un salaire "officiel" réduit, le club moins de charges dessus aussi, et bien sûr, l'agent se prend une commission (sur la surcommission, c'est vraiment rigolo) au passage pour rémunérer sa peine, et l'équipementier paie un peu moins pour sponsoriser l'équipe.
Malheureusement, les Procureurs, eux, n'ont rien compris au caractère avant-gardiste de ce système destiné à offrir enfin aux dirigeants des clubs français le palmarès que leur talent méritait. Marseille a eu droit à son procès dans le genre (à ne pas confondre avec l'affaire VA-OM, encore un autre); c'était au tour du PSG.
Etaient convoqués : les dirigeants parisiens de l'époque, ceux de la chaîne à péage qui possédait ce club, de l'équipementier précité, de multiples agents de joueurs, quelques intermédiaires méconnus, et... pas les joueurs. Incroyable. Le Ministère public a donc dû considérer qu'ils étaient trop idiots pour comprendre le montage. C'est quand même merveilleux d'être footballeur.
Pour l'anecdote, tout a commencé par Francis Llacer, et un greffier du tribunal d'instance de Saint Germain en Laye. Intrigué par une fausse mainlevée de saisie produite par l'employeur de ce joueur, qui n'était autre, donc, que le PSG, ce fonctionnaire a saisi le Procureur de Versailles. On voit déjà à quel point le monde du football vit sur une autre planète : comment peut-on imaginer possible d'envoyer au tribunal d'instance un document imitant la signature de ce tribunal ! C'est quand même extraordinaire !
Pas de chance, Francis Llacer devait être remonté contre son club cette année là, parce que, convoqué par le SRPJ de Versailles, il lâche une bombe autrement plus importante que ce faux débillissime, en livrant les premiers éléments sur le "système" de diminution des charges sociales. S'en est suivi une enquête gigantesque.
J'étais appelé à ne défendre qu'un des "intermédiaires méconnus", un banquier suisse - oui, ce n'est pas de chance de posséder cette nationalité quand on est convoqué dans un dossier comme ça, on part avec une longueur de retard.
Peu importe que ni lui, ni son avocat n'aient été dans la lumière (aucun des deux ne la cherchait); c'était une opportunité formidable de vivre l'expérience d'une affaire hors gabarit (un mois d'audience), de se plonger dans l'univers du football professionnel, de parler pendant les pauses avec des coprévenus inhabituels qu'étaient ces agents de joueurs, qui ont sillonné le monde et ont connu les plus grands footballeurs sur plusieurs époques, et de travailler aux côtés des plus gros pénalistes de la place parisiennes pendant toutes ces journées.
Le dossier était divisé entre les transferts en cause, avec des noms évocateurs : sous dossier transfert Ronaldinho, sous dossier transfert Okocha, etc. A l'intérieur, le contrat de l'agent, des notes sur la valeur du joueur, des interrogatoires des dirigeants tentant d'expliquer les sommes par le contexte footballistique et économique de l'époque... Quand on aime à la fois le droit et le football, c'est bonheur, comme disent les brésiliens du Parc.
Autant dire que ça me changeait de la comparution immédiate à "Boboche" pour énième coup de poing entre concurrents d'un point de deal, ou conjoints qui ne se supportent plus dans leur HLM (je grossis un peu le trait).
En plus, comble de bonheur si je puis dire (enfin pour moi, mais pas pour mon client), le dossier a fait l'objet d'un appel quasi général,qui a donné l'occasion de revivre les mêmes débats une seconde fois. Il faut dire que le jugement de première instance était une véritable incitation à la chose : quasiment tout le monde avait été condamné, presque à la même peine, alors pourtant que les rôles et les sommes avaient été fort différentes, selon les prévenus.
Je ne sais pas si les juges se rendent compte de l'effet catastrophique que cela peut donner, au bout de tant d'heures de débats; on a l'impression qu'ils se sont dit en quelques minutes, dans le secret de leur délibéré : allez hop, tout le monde dans le même sac.
Apparemment non, puisque la Cour a aboutit au même résultat, mais bon, ça c'est pavlovien, maintenant.
Dans ces conditions, je n'ai pas réussi à faire échapper mon client à la condamnation, contre laquelle il a ensuite formé pourvoi, afin de pouvoir continuer le plus longtemps possible ses activités professionnelles, l'enjeu étant pour lui capital - c'est le cas de le dire. Son sort est désormais, dans un premier temps en tout cas, dans les mains d'un avocat au conseil (je me suis en revanche chargé de régulariser le pourvoi en envoyant en urgence des LRAR à toutes les parties, quel bonheur quand elles sont si nombreuses).
J'y avais pourtant cru, car il a eu un rôle des plus indirects. En plus, le transfert sur lequel il avait offert ses services concernait un joueur (un défenseur central argentin assez teigneux) sur lequel le PSG avait fait une bonne opération (on pouvait donc y voir une cause économique). Enfin quoi, ce n'était pas si fréquent !
Echelle de ludique (1) à technique (5) : 2
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