De la "garde d'enfants" au temps du coronavirus
Publié le :
30/03/2020
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Sur ce plan là, on peut dire que le gouvernement n'aura pas trop traîné pour tarir la source de nombreux litiges potentiels... même s'ils se poseront quand même.
Par décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, ont été élevés au rang d'exceptions admises à l'interdiction des déplacements, ceux entrepris "4° ... pour motif familial impérieux, pour l'assistance des personnes vulnérables et pour la garde d'enfants".
L'expression "garde d'enfants" est claire (même si elle ne correspond pas au terme normalement usité par la loi, qui est la "résidence" de l'enfant, mais on ne va pas finasser) : elle vise évidemment le "passage de bras" pour l'alternance ou les fins de semaine.
Celle de "motifs familiaux impérieux" vise, selon les indications complémentaires données (hors décret, afin de laisser à celui-ci la souplesse de termes évolutifs) par le gouvernement, des hypothèses telles que "blessure d’un proche, accompagnement d’une personne vulnérable ou non autonome, décès d’un membre de la famille proche".
Il faut néanmoins être accompagné de son attestation cochant la case 4, et d'un justificatif, consistant soit en un jugement, soit en un accord écrit. Précisons que le II de l'article 3 du décret ne précise pas la nature exacte du "document... permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l'une de ces exceptions", mais que c'est ici un conseil de ne pas se limiter à une attestation auto remplie pour ce cas de figure.
Que se passe-t-il si vous n'avez ni l'un, ni l'autre de ces justificatifs, parce que vous n'en avez jamais eu le besoin (si tout se passe bien entre les parents séparés, ce qui heureusement concerne pas mal de monde) ? Inutile de dire qu'en cette période d'activité judiciaire réduite au minimum , vous n'aurez sans doute pas votre jugement en temps voulu. Aussi est-ce plus que jamais l'heure de passer des accords, entre vous si c'est simple (attention quand même à la fausse simplicité piégeuse, ou aux formules qui laisseraient installer une habitude sur laquelle il serait difficile de revenir ensuite), avec un avocat (ils ont beaucoup de temps libre en ce moment...) si ça l'est moins.
Une fois posés ces principes, on ne peut passer sous silence des situations délicates qui se poseront inévitablement, et inciteront un parent, ou les deux, à suspendre le rythme normal des droits de visite et d'hébergement.
Et évidemment, les clients veulent savoir ce que décidera le juge, et évidemment, comme d'habitude, désolé pour l'absence de simplicité, mais ce sera du cas par cas, car la justice, ce n'est pas un formulaire administratif avec des cases, des feux rouges ou des feux verts, du blanc ou du noir (enfin vous avez compris l'idée).
Il y aura deux types de décisions judiciaires possibles. L'une en urgence pour l'immédiat, très difficile à obtenir. L'autre après coup, pour "sanctionner" les différents comportements observés pendant cette période.
En attendant que le juge statue, dans un article très clair publié sur Lexbase (La Lettre juridique n° 818), Anne-Lise Lonné-Clément pronostique que sur un plan pénal, la police poursuivra certainement moins sévèrement que d'habitude le parent qui, pour des raisons sanitaires avérées, fait obstacle à un droit de visite et d'hébergement.
Elle suggère aussi, dans un tel cas, d'une part de tout mettre en oeuvre pour maintenir des liens à distance avec l'autre parent, d'autre part de prévoir une compensation ultérieure.
Echelle de ludique (1) à technique (5) : 3
Postérité de cet article (15/04/2022) :
On peut dire que le but de cette mise au point, qui était de prévenir des contentieux spécifiquement causés par la situation sanitaire, a été atteint, surtout, probablement, en raison du civisme des gens, qui ont aplani d’eux-mêmes ce genre de problèmes.
On ne va pas dire pour autant qu’on regrette cette époque, qui nous paraît déjà lointaine quand on relit cela, même s’il faut rester prudent face à la résurgences des mesures sanitaires (que je crains personnellement bien davantage que le virus).
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