Déranger les époux combien de fois pour un divorce par consentement mutuel

Déranger les époux combien de fois pour un divorce par consentement mutuel

Publié le : 10/01/2018 10 janvier janv. 01 2018

Dans un divorce par consentement mutuel avec bien immobilier, il apparaît opportun de grouper, en une seule fois, signature du partage, de la convention de divorce, et dépôt chez le notaire.

Même en consentement mutuel, où a priori la situation est moins conflictuelle qu'en contentieux, les époux raffolent rarement des rendez-vous communs. C'est pourquoi, ils ont accueilli avec un grand soulagement l'apparition du divorce par consentement mutuel sans juge, y voyant une occasion de s'épargner une de ces séances, et notamment la plus "lourde" symboliquement, celle qui les réunit au tribunal.

Pourtant, le formalisme accompagnant le nouveau système pourrait ne leur avoir pas vraiment allégé la tâche de ce point de vue.

En effet, dans les affaires nécessitant l'intervention d'un notaire, donc, pour simplifier, dans celles où un bien immobilier est en cause, certains imposent un premier déplacement chez lui, afin de signer un acte de partage (qui pourtant n'a aucune valeur tant que la convention de divorce n'est pas déposée), suivi d'un second chez l'avocat pour signer la fameuse convention de divorce.

Ce n'est pas vraiment la lettre des textes qui l'impose, car si le 5° de l'art 229-3 du Code civil prévoit que "la convention de divorce comporte expressément... l'état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire", il ne semble porter que sur la convention finale, et rien n'indique qu'il s'impose également au projet de convention, celui-ci n'étant abordé expressément que par l'article 229-4, qui ne lui impose aucune annexe.

Il est vrai que l'esprit du système, lui, peut recommander d'accompagner le projet de convention dudit état liquidatif, afin que le délai de réflexion de 15 jours ne soit pas vidé en partie de sa substance ; mais en ce cas, il suffit d'annexer un... projet d'état liquidatif, et non une forme authentique de celui-ci.

Il ne reste plus qu'à déplacer les époux pour une seule séance, celle de signature de la convention. Mieux : autant le faire chez le notaire.

"Ainsi, comme l'expliquent J Casey et S David (AJ Famille 2017, p 539, "Divorce sans juge : plaidoyer pour un circuit court"), à l'occasion d'un seul et même rendez-vous, dont le caractère solennel n'échappe à personne, en la présence physique en même lieu et au même instant , de l'ensemble des signataires, le divorce est acté définitivement et les règlements financiers relatifs à la prestation compensatoire et/ou au partage des biens, peuvent s'opérer sur le champ, en tout cas lorsque le banquier joue le jeu ou, mieux, lorsqu'il n'a pas à intervenir... Les époux entrent donc mariés à l'étude et, avec le concours de leurs conseils et du notaire, ils en ressortent divorcés, la prestation compensatoire réglée."

Car il arrive, en effet, que dans un dossier où son intervention est indispensable, pour financer la prestation compensatoire et/ou la soulte et/ou le rachat de prêt commun, dont un époux devra s'acquitter, la banque exige, afin de débloquer les fonds, la preuve du dépôt notarié de la convention de divorce. Dans ce cas, on se contentera donc d'une promesse de prêt, éventuellement accompagnée de garanties, et la somme ne pourra qu'être stipulée payable à terme.

Ce qui n'enlève pas au concept de la signature chez le notaire un autre avantage, selon les auteurs précités : celui de permettre à la convention d'accéder au statut incontestable de titre exécutoire (le notaire ne pouvant conférer cette force qu'à un acte qu'il reçoit), alors que sans cela, ils doutent qu'elle puisse être transmise directement à un huissier pour exécution.

Cet argument, pourtant incertain, leur fait logiquement dire que même dans un dossier où le notaire ne jouera que le rôle de dépositaire final, et non également celui de liquidateur, les parties trouveront intérêt à venir signer la convention chez lui.

Cependant, ils admettent que dans ce cas là, "il est souvent difficile de justifier auprès des époux la nécessité de se rendre chez un notaire demeuré totalement étranger... à l'élaboration... de leurs accords". Outre que les avocats en divorce ne voient pas vraiment pourquoi ils s'y déplaceraient (pourtant, l'un des deux doit bien le faire chez l'autre). Et que par ailleurs, très concrètement, "eu égard à la rémunération symbolique qui est la leur, la plupart des notaires ne se pressent pas, dans les faits, pour recevoir les époux".

C'est donc plutôt l'agrément "psychologique" précité de pouvoir tout faire en une fois (signature, dépôt, libération des fonds), qui apparaîtra, aux yeux des époux et, par voie de conséquence, à ceux de leurs avocats, comme étant l'atout le plus important de ce concept de "circuit court". Tout avocat en droit de la famille rompu aux consentements mutuels sait combien il faut éviter les contrariétés ou retards susceptibles de venir briser l'élan d'un accord parfois durement obtenu, après des mois de négociation.

Postérité de cet article (12/09/21) :
A l’usage, il s’avère finalement que la coordination entre les agendas hypertrophiés (à moins que ce ne soient leurs égos ?) des notaires et des avocats est si compliquée, qu’on préfère souvent envoyer les clients une fois seuls chez l’un pour signer l’état liquidatif, une autre chez les autres pour signer la convention de divorce. L’essentiel étant que ça fonctionne le plus vite possible, tant pis s’il y a deux déplacements.

Historique

  • Gérer techniquement un dossier bien sale
    Publié le : 14/02/2018 14 février févr. 02 2018
    Droit pénal
    Gérer techniquement un dossier bien sale
    L'infraction de détention d'image pédopornographique implique parfois un débat sur des paramètres informatiques Ce client m'aura décidément tout fait.  Impliqué dans une affaire de départ en Syrie pour aller y "approfondir sa pratique de l'Islam", capable de garder dans son ordinateur des d...
  • Déranger les époux combien de fois pour un divorce par consentement mutuel
    Publié le : 10/01/2018 10 janvier janv. 01 2018
    Droit de la famille
    Déranger les époux combien de fois pour un divorce par consentement mutuel
    Dans un divorce par consentement mutuel avec bien immobilier, il apparaît opportun de grouper, en une seule fois, signature du partage, de la convention de divorce, et dépôt chez le notaire. Même en consentement mutuel, où a priori la situation est moins conflictuelle qu'en contentieux, les ép...
  • Boire ou acheter une Rolls, il faut choisir
    Publié le : 13/12/2017 13 décembre déc. 12 2017
    Droit pénal
    Boire ou acheter une Rolls, il faut choisir
    Selon l'article L 234-12 du Code de la route, en cas de récidive de conduite en état alcoolique, la confiscation du véhicule est "obligatoire". Sauf si... ... sauf si la juridiction l'écarte, "par une décision spécialement motivée". Le mot "obligatoire" est donc trompeur - voire idiot. Il aura...
  • Comment échouer à plates coutures en Cour d'appel
    Publié le : 01/11/2017 01 novembre nov. 11 2017
    Droit de la famille
    Comment échouer à plates coutures en Cour d'appel
    Elle pensait faire corriger à la hausse la contribution à l'entretien et l'éducation des quatre enfants, c'est au contraire une des contributions qui a été supprimée pour celui qui était majeur et "oisif" L'arrêt n'a rien à voir avec le rugby, je cherchais juste une image de déroute, un peu fa...
  • Vous savez bien de quoi vous êtes coupable Monsieur...
    Publié le : 20/10/2017 20 octobre oct. 10 2017
    Droit pénal
    Vous savez bien de quoi vous êtes coupable Monsieur...
    Ce vieux préjugé imprègne tout le débat sur le degré de précision de la notification des faits reprochés au gardé à vue Je vais souvent au commissariat de Rosny sous Bois, pour des vols commis dans le centre commercial Rosny 2. Je m'y suis récemment agacé qu'une qualification de "recel de v...
  • De l'évaluation de la lucidité du gardé à vue lors de la notification de ses droits
    Publié le : 15/10/2017 15 octobre oct. 10 2017
    Droit pénal
    De l'évaluation de la lucidité du gardé à vue lors de la notification de ses droits
    La problématique n'est pas nouvelle, mais deux arrêts du 21 juin 2017 apportent une bonne illustration. Dans le premier (16-83599), c'est d'une notification tardive dont se plaignait le mis en cause. En effet, placé en garde à vue à 21h35 avec un taux de 0,75 mg, il voyait une première fois la...
  • Enfin un contrôle des motifs de recours à la garde à vue ?
    Publié le : 30/09/2017 30 septembre sept. 09 2017
    Droit pénal
    Enfin un contrôle des motifs de recours à la garde à vue ?
    Dans un arrêt du 7 juin 2017 (16-85788), faisant suite à quelques autres récents, la Cour de cassation fait comprendre au procureur que la garde à vue ne doit pas être un outil de gestion à la disposition de ce dernier. Lors de l'entretien en garde à vue, les clients me demandent invariablemen...
  • Aimer est-il un devoir du mariage ?
    Publié le : 30/01/2017 30 janvier janv. 01 2017
    Droit de la famille
    Aimer est-il un devoir du mariage ?
    La Cour d'appel de Paris manquerait-elle de romantisme, à force de voir défiler des dossiers de divorce ? Ou au contraire, dans une conception absolue de l'amour, considère-t-elle avec sagesse que celui-ci ne peut se réduire à un "devoir" ? Dans un arrêt du 17 novembre 2016 (pôle 3, ch. 3, n°...
  • Quand on se heurte à la raison d'Etat
    Publié le : 15/04/2016 15 avril avr. 04 2016
    Droit pénal
    Quand on se heurte à la raison d'Etat
    Avocat pénaliste jusqu'au bout, jusqu'à une infraction qui sonne mal : association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme En fait, cette qualification impressionne le profane, pas les avocats ayant déjà eu à la traiter, et ils sont de plus en plus nombreux. Elle est e...
<< < ... 4 5 6 7 8 9 10 ... > >>