La Charte de présentation des écritures est-elle vraiment dangereuse ?
Publié le :
06/02/2023
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Sur la photo du site de la Cour de cassation, on a l'impression que c'est un parchemin géant qui fait la moitié de la hauteur de ses signataires, mais c'est probablement un effet de la perspective, parce qu'elle est prise au premier plan. Cela n'en symbolise pas moins l'écho que le Haute juridiction entend donner à cette Charte, signée il est vrai par les plus grandes instances de la magistrature et du Barreau.
Las, aussitôt publiée, aussitôt dénoncée par la doctrine comme une préparation insidieuse des justiciables et de leurs avocats, à de nouvelles exigences procédurales qui pèseront sur leurs seules épaules, afin de faciliter le travail de ces messieurs dames les magistrats.
Ainsi, Maxime Barba (Entre droit extra-mou et droit extra-flou, Dalloz actualité) démontre le danger d'un document qui entretient le flou, en employant les mêmes termes (doit/ne doit pas) tantôt pour des rappels normatifs, tantôt pour de simples recommandations non sanctionnables... du moins pour l'instant, car il apparaît très possible que la Cour de cassation ne se prive pas, dans son office de juge, de consacrer un jour dans une jurisprudence ce qu'elle a signé en tant qu'auteur. "Ce d'autant que le ministre de la Justice a annoncé aux avocats qu'en contrepartie du desserrement de l'appel Magendie, il faudra fournir un effort sur les écritures", fait-il très justement observer.
Il le fait en plus avec talent, relevant également des approximations techniques et lieux communs par quelques formules qui régalent le lecteur (mes préférées parmi tant d'autres : "espère-t-on, comme en mathématique, que la multiplication du doit mou par le droit mou donnera lieu à du droit dur ?"... "Il est recommandé d'être lisible, compréhensible, synthétique, clair et précis. Il ne faut donc pas, chers maîtres, être illisible, incompréhensible, brouillon, obscur et imprécis. Vous voilà prévenus"...), et dont la mauvaise foi n'est pas toujours interdite, c'est un génie très français, en somme, que d'être systématiquement critique, mais avec talent, car on sait bien, tout de même, que les juges se voient parfois infliger des conclusions de faible qualité, et que ça n'allège guère leur tâche.
J'ai en effet souvenir, lorsque j'étais auditeur de justice, d'avoir passé des heures inutiles à traduire les écritures d'avocats, qui n'avaient pas trop pris de peine à les structurer. Je ne suis donc pas si choqué que ça, personnellement, par la perspective d'imposer un certain format à cet exercice, que d'ailleurs tous les confrères compétents (la majorité) respectent déjà spontanément.
Le vrai scandale n'est pas là. Il est dans la somme totale d'obstacles dérisoires mis par les juridictions devant les justiciables pour évacuer à bon compte tout travail supplémentaire, il est dans les délais atroces pendant lesquels ceux-ci attendent un jugement qui ne veut plus rien dire quand il arrive, il est dans la sous efficacité d'un service public essentiel pourtant clochardisé peut-être pour l'éternité.
Cette Charte ne provoque pas tout ça, mais ne le fait pas oublier non plus.
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